Les coulisses de La Colline aux étoiles

Découvrez sur cette page, l’origine du projet, ainsi que toute la démarche de création qui a conduit au jeu et nos notes de conception.

Historique

La Colline aux étoiles est un projet qui est né de la rencontre entre EMMAÜS Solidarité, à la recherche d’un nouvel outil ludique de médiation et d’accompagnement social, et les agences de design Ludogamie et Humans Matter.

Deux concepteurs issus de ces structures, Romain Pichon-Sintes (Ludogamie) et Sébastien Allain (Humans Matter), ont collaboré étroitement avec les équipes d’EMMAÜS Solidarité, notamment Gaëlle Kasdi-Potier et Charlotte Clayer, pour donner forme à ce projet singulier.

Le résultat ? Le premier jeu coopératif pour gagner en pouvoir d’agir.

Les premières boîtes de jeu voient le jour en 2023. Dès le départ, l’ambition allait plus loin : imaginer un dispositif ouvert, accessible à tous, qui dépasse le cadre institutionnel pour inviter chacun à réfléchir à sa manière d’agir, seul ou ensemble.

Conçu avant tout pour que jouer reste un plaisir, La Colline aux Étoiles est un jeu « tout court » — un moment de rencontre et de partage, qui peut aussi devenir un outil d’accompagnement ou de prise de conscience selon les contextes.

Partis pris originaux

Pour nous guider tout au long de la conception du jeu, nous avons défini un ensemble de partis pris qui ont servi de boussole à notre travail.

Ces principes ont orienté nos choix créatifs et méthodologiques, et dans les moments de doute, c’est vers eux que nous sommes toujours revenus pour retrouver le sens et la cohérence du projet.

👉 Réunir espace de liberté et expression des potentiels

Nous avons d’abord cherché à transformer un temps potentiellement perçu comme contraint en un moment désiré. Notre ambition était de créer un cadre bienveillant et sécurisant, propice à l’expression personnelle, à la confiance et à la réussite collective, sans jugement ni obligation de résultat.

Ce rendez-vous ludique devait être vécu comme une respiration : un espace où l’on vient, sinon par envie, du moins sans appréhension. Une parenthèse ouverte à la découverte de soi et des autres, un lieu de plaisir et de confiance propice à la réussite collective.

Concrètement, ce parti pris s’est traduit par :

  • La conception du jeu comme un véritable jeu de société, avant tout.
  • La libération des joueurs de toute pression de résultat ou démonstration de savoir-faire (évacuation de quizz de connaissance ou de cartes « savoir »).
  • Le maintien de l’intention utilitaire du dispositif sans la mettre au centre de l’attention.
  • La priorité donnée au plaisir de jouer et à l’immersion dans les objectifs internes du jeu.

👉 Miser sur les leviers essentiels

Face aux contraintes du dispositif — la densité des thématiques et la brièveté habituel du temps de jeu (entre une et deux heures maximum) — nous avons choisi de ne pas faire peser sur le jeu une attente démesurée.

Nous avons préféré en faire un déclencheur, une étincelle de confiance en soi et en l’autre.

Nous avons ainsi placé la confiance au cœur du dispositif, convaincus qu’elle était la clé d’un retour à l’autonomie.

Concrètement, cela s’est traduit par :

  • L’allègement de la dimension technique de l’accompagnement social.
  • Le recentrage sur les comportements : décision, coopération, expression de soi, introspection.
  • Le maintien d’un ton léger et accessible pour encourager la participation.

👉 Utiliser le champ de l’imagination, le pas de côté

En empruntant le chemin de la métaphore et du réalisme poétique, nous voulions offrir aux joueurs la possibilité de s’évader du quotidien et de réveiller leur imagination. Cette dernière nous a paru un levier essentiel pour redonner goût à la projection, à la création et à l’autonomie.

Ce parti pris nous a conduit à :

  • La création d’un univers narratif et graphique attrayant, détaché du quotidien.
  • L’accent mis sur l’aventure collective que raconte le jeu.
  • L’encouragement à exprimer rêves, désirs et idées.
  • L’évitement des représentations matérielles (argent, guichet social, etc.) pour valoriser les ressources intérieures et l’expression d’autres formes de motivation.
  • Le choix d’un titre évocateur pour soutenir cette ouverture imaginative.

👉 Mettre la coopération au cœur du jeu

Nous avons voulu placer la coopération au centre du dispositif, bien au-delà d’un simple mécanique de jeu. Coopérer signifiait apprendre à faire ensemble, à partager des savoirs, à faire confiance et à construire collectivement.

Nous avons vu dans cette dynamique une réponse au sentiment d’isolement, et un moteur du désir d’appartenance et du dépassement de soi.

Ce parti pris s’est incarné dans :

  • Un système de règles fondé sur la coopération entre joueurs.
  • L’encouragement d’une adhésion participative, même des plus réservés.
  • L’utilisation de l’exemple de l’autre pour nourrir soi-même sa capacité à agir.
  • Une invitation à la prise de conscience en sa capacité à “inverser les rôles” : un jour je suis aidé, un autre jour c’est moi qui aide

👉 Proposer des choix engageants

Nous avons misé sur le pouvoir du choix comme levier de confiance et d’action. En donnant aux joueurs la possibilité de décider, de construire leur parcours ou leur personnage, nous avons voulu leur permettre de se projeter et de s’impliquer pleinement.

Le jeu devait être un espace où l’on expérimentait symboliquement sa capacité à agir.

Ce principe s’est concrétisé par :

  • L’utilisation d’avatars pouvant servir d’écran entre les joueurs et l’expérience vécue
  • La mise en valeur des trajectoires individuelles à travers les choix effectués.
  • La limitation du hasard dans le jeu (en évitant par exemple l’utilisation du dé à lancer) pour renforcer le sentiment d’agir sur son destin.
  • La possibilité de constater, en fin de partie, le chemin parcouru et ses résonances personnelles.

👉 Viser l’autonomie du jeu ?

Nous avons enfin cherché à faire du jeu un outil d’autonomie, pour les joueurs comme pour le dispositif lui-même. À l’origine, nous avions imaginé qu’à terme, les participants puissent animer eux-mêmes une partie, devenant passeurs d’expérience et acteurs de la transmission. Cette circulation des rôles incarnait pleinement notre volonté de renforcer la confiance et la valorisation individuelle.

Cependant, au fil de la création et des tests du jeu, nous avons mesuré l’importance du rôle de l’animateur. L’expérience a montré que la qualité du jeu et la profondeur des échanges dépendaient en grande partie de sa présence. Le jeu ne pouvait pas, dans cette forme, être totalement autoporté par les joueurs.

Nous avons donc repensé le dispositif pour intégrer cette réalité : le jeu nécessite aujourd’hui une courte prise en main de son animation. Au départ dispensée en présentiel, nous avons choisi la rendre la plus accessible possible, en rassemblant l’ensemble des ressources de prise en main dans un format numérique, simple et autonome, permettant de limiter les coûts et de faciliter le déploiement du jeu.

Une philosophie de l’animation

L’animation d’une partie de La Colline aux étoiles, quelle que soit son contexte, repose sur une posture pleine et investie de l’animation.

L’aménagement de l’environnement, les conditions d’accueil et de manière générale l’attention portée à l’accès à l’expérience du jeu participent, dans notre vision, à la réussite du dispositif. C’est en effet dans un cadre de bienveillance et d’écoute active que se déploie le jeu. C’est cette posture de facilitation, souple et attentive, résolument horizontale, qui va réellement permettre au jeu de produire ses effets.

Le rôle de la personne en charge de l’animation est important puisque celle-ci sera garante à la fois de l’atmosphère générale, de l’explication des règles, de l’accueil de la parole et des émotions, mais aussi du rythme de la partie et du timing général.

Mais rassurez-vous : le jeu vient avec un ensemble de ressources pour vous permettre une prise en main rapide !

Notes de conception

Au fil de ce projet, nous avons beaucoup appris sur ce que signifie concevoir un jeu dans un cadre social et collectif. Voici quelques enseignements que nous aimerions transmettre à celles et ceux qui souhaiteraient, à leur tour, créer un dispositif ludique porteur de sens.

👉 Cherchez la contrainte créative en vous imposant un cadre

La liberté absolue peut vite devenir un piège. C’est en définissant des limites claires — de temps, de public, d’intention — que nous avons trouvé nos meilleures idées. Le cadre agit comme un moteur : il stimule la créativité, oblige à prioriser et donne de la cohérence à l’ensemble du projet.

👉 Le jeu, c’est autant le matériel et les règles que le cadre du jeu

Un jeu ne se résume pas à ses cartes, ses pions ou ses mécaniques. Il repose tout autant sur le cadre qu’il propose : les conditions d’entrée dans l’expérience, la manière dont il invite à s’impliquer dans l’expérience. Travailler sur ce cadre, c’est déjà concevoir une grande part du jeu, et la Colline aux étoiles a été en ce sens une riche expérience.

👉 Ne pas négliger les leviers hors du jeu

L’animateur n’est pas un simple facilitateur : il peut être une pièce essentielle du dispositif. Sa posture, son écoute et sa manière de relier les participants transforment l’expérience. Nous avons découvert à quel point la qualité d’une session de jeu pouvait dépendre de cette présence humaine, capable de donner du sens, d’ajuster le rythme et d’ouvrir les échanges.

C’est aussi une opportunité pour les animateurs de remettre en question leur façon de faire, les habitudes et leurs biais de posture.

👉 Osez sortir des sentiers battus et assumer un thème poétique

Dans un contexte social ou institutionnel, la tentation est grande de rester dans des thématiques fonctionnelles ou pragmatiques. Nous avons fait le pari inverse : celui d’un univers poétique, métaphorique, un peu décalé.

Ce choix s’est révélé précieux pour créer de l’engagement, éveiller la curiosité et inviter chacun à se projeter autrement.

Un jeu gagne en profondeur quand il ose parler à l’imaginaire, surtout s’il vient dénoter dans l’environnement où il est déployé !